Quand l’expérience devient savoir

Vivre avec des troubles psychiques, ce n’est pas seulement faire face à des symptômes. C’est aussi développer, avec le temps, une connaissance intime de ce qui soutient ou entrave l’équilibre. Ce savoir, construit au fil des essais, des rechutes et des reprises, est un savoir expérientiel. Il ne remplace pas les connaissances médicales, mais il les complète. Et surtout, il est profondément humain.

De plus en plus, ce savoir est reconnu. Dans certains établissements, les personnes ayant vécu l’expérience de la maladie mentale sont invitées à contribuer à la formation des professionnels, à la conception des parcours de soin, voire à intégrer des équipes en tant que pairs-aidants. Ce mouvement reste fragile, mais il existe. Et dans la région Auvergne Rhône-Alpes, plusieurs structures innovent dans ce sens, y compris dans des cadres longtemps fermés à cette idée, comme certains EHPAD dans le Puy-de-Dôme où l’on commence à intégrer des approches sensibles à la parole des résidents et des familles concernées.

Reconnaître le savoir de l’expérience, c’est aussi refuser de réduire les personnes à leurs diagnostics. C’est leur permettre de se réapproprier leur histoire, et de faire de ce parcours une ressource pour d’autres. C’est ouvrir un espace de légitimité pour ceux qui trop longtemps n’en ont pas eu.

Savoir expérientiel et humain développé par les personnes vivant avec des troubles psychiques

Le rôle du patient-acteur dans son propre parcours

Être "patient-acteur", ce n’est pas devenir thérapeute de soi-même, ni se substituer aux soignants. C’est se considérer comme un sujet à part entière, avec une capacité de réflexion, de décision et d’action sur sa propre vie. Cela suppose de sortir d’une vision passive du soin, pour entrer dans une logique de coopération.

Concrètement, cela peut prendre plusieurs formes :

  • Construire avec son équipe soignante un projet de soin adapté à ses besoins et à ses aspirations
  • Se former à la connaissance de sa pathologie et à la gestion des symptômes
  • Expérimenter des outils d’autogestion ou de prévention des rechutes
  • Participer à des groupes d’entraide entre pairs

Cette dynamique repose aussi sur un droit fondamental : celui d’être informé, entendu, respecté. Or ce droit est encore trop souvent négligé. L’un des enjeux actuels en Auvergne Rhône-Alpes est d’élargir l’accès à ces démarches, au-delà des grandes villes. Dans certaines zones plus rurales ou vieillissantes, comme celles où sont implantés plusieurs EHPAD dans le Puy-de-Dôme, il est essentiel d’ouvrir des espaces de dialogue entre les professionnels, les résidents, les familles et les patients eux-mêmes, afin de penser ensemble ce que peut être un soin plus participatif.

Participation à des groupes d’entraide entre pairs et rôle actif du patient dans sa santé mentale

Devenir pair-aidant : un engagement, une profession

Parmi les formes les plus abouties du rôle actif des patients, il y a la pair-aidance. Il s’agit d’un accompagnement entre personnes ayant vécu des situations similaires de souffrance psychique. Le pair-aidant ne se substitue pas au professionnel de santé. Il vient apporter autre chose : une proximité, une compréhension, une présence fondée sur le vécu.

Dans la région, des formations existent pour se professionnaliser en tant que pair-aidant. Ces formations permettent de développer des compétences d’écoute, de posture, d’accompagnement, tout en consolidant sa propre stabilité. C’est un chemin exigeant, mais profondément transformateur.

En tant que pair-aidante, je peux témoigner de la richesse de ces échanges. Être là pour quelqu’un, non pas en tant que soignante mais en tant que personne passée par des épreuves similaires, change profondément la relation. Cela invite à plus d’horizontalité, à plus de vérité. Et cela bouscule, parfois, les habitudes institutionnelles.

Des établissements hospitaliers, des centres médico-psychologiques, mais aussi certains EHPAD dans le Puy-de-Dôme s’intéressent aujourd’hui à l’intégration de la pair-aidance dans leurs équipes. Il ne s’agit pas d’une solution miracle, mais d’une ressource complémentaire précieuse, pour les personnes accompagnées comme pour les équipes.

Enjeu d’accès aux soins participatifs en Auvergne Rhône-Alpes, avec dialogue entre professionnels, résidents et familles

Vers une culture partagée du rétablissement

Le rétablissement ne signifie pas "guérir" au sens strict, mais retrouver une qualité de vie, une capacité à choisir, à rêver, à agir. Il s’agit d’un processus personnel, subjectif, qui passe par la reconnaissance de ses ressources, de ses forces, de ses désirs. Et surtout, il ne peut être imposé de l’extérieur.

Pour que le rétablissement soit possible, il faut un environnement qui le rende pensable. Cela suppose une transformation des pratiques professionnelles, mais aussi une évolution des mentalités. La santé mentale concerne tout le monde : les personnes touchées, leurs proches, les soignants, les institutions, les collectivités locales.

En Auvergne Rhône-Alpes, un tissu associatif actif, des professionnels engagés et des patients en mouvement construisent petit à petit cette culture partagée du rétablissement. Elle ne se décrète pas, elle se vit, au quotidien, dans les relations, dans les échanges, dans les choix qu’on fait ensemble.

Ce blog est une modeste contribution à ce chantier collectif. Vous y trouverez des ressources pour approfondir ces notions, comprendre les enjeux de la pair-aidance, explorer ce que signifie être patient-acteur aujourd’hui. Et aussi, l’envie de croire qu’un autre rapport au soin est possible — plus juste, plus humain, plus horizontal.

Intégration de la pair-aidance dans les établissements médico-psychologiques et EHPAD du Puy-de-Dôme